Le guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses

Philosophe : Hannah Arendt

Regardez-la : ses longs cheveux tranchés net, elle a une cigarette à la main et le dégoût aux lèvres. Son mépris des penseurs, de la philosophie et de tous ceux qui, avec des grands mots, ont laissé le nazisme s’installer est sans bornes.

Arendt

Arendt à Paris
(Source : skhole)

Philosophe : Beatriz Preciado

Arendt a remis les pieds de la philosophie sur terre, Preciado lui donne corps, carrément. « Je suis obsédée par la question du corps et de sa matérialité. J’ai voulu mettre fin à cette distance clinique qui désexualise le discours philosophique et en soustrait les corps. » Mais pas question de travailler avec des pincettes sur des cobayes. S’il faut donner une chair, elle donnera la sienne : elle va « philosopher avec son corps. »

Preciado

Preciado
(Source : blog langarra)

Photographe : Julia Margaret Cameron

« Je me suis arrêtée [de faire des réglages] lorsque j’ai obtenu quelque chose de beau à mes yeux, au lieu de continuer à régler l’objectif pour parvenir à une meilleure définition comme tous les autres photographes l’exigent. » Cameron veut adapter la photographie à son idéal de beauté. Et cet idéal, c’est le pré-raphaëlisme : esthétisme et focalisation sur le sujet. Cameron invente le gros plan et le flou artistique.

Cameron

Cameron, portrait par Watts

Mais vous connaissez déjà ces portraits, sûrement. Pour les hommes, un modelé très brut qui met en valeur les rides et les gnons. « Cameron aime les hommes illustres aux gueules de patriarches », les « blocs rugueux. »

Herschel

Herschel, portrait par Cameron

Pour les femmes, elle préfère un modelé longiligne et dépouillé. « Elle utilise, comme en peinture, un seul éclairage oblique afin de souligner les contrastes. »

37 cameron femme DP

Mais ce qui est inimitable chez Cameron, ce sont les yeux.

Woolf

La mère de Virginia Woolf par Cameron

Regardez cette jeune fille en tee-shirt blanc à encolure bateau, qui tire pensivement sur son collier. Non, ce cliché ne sort pas du Vogue du mois dernier (« La nouvelle collection d’inspiration hispanique »). Il s’appelle Ellen Terry à l’âge de seize ans, et il a traversé le temps jusqu’à nous depuis 1864.

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Photographe : Nan Goldin

La gloire vient en 1981 avec The Ballad of Sexual Dependency, un ensemble de photos genre « la fête, c’est chouette et la dope, c’est glauque ». Goldin invente, quoiqu’elle s’en défende, ce qu’on appelle le style heroin chic. Ce qui s’appellera, dix ans plus tard, le grunge. Les prises de vue de sa ballade s’étaleront sur 15 années. Y figure son propre visage, massacré à coups de poing par un petit ami.

Goldin

Goldin

Goldin vit très mal l’apparition du sida – truisme. Tous ses proches y passent. Elle shoote sans fin le déclin de son amie Cookie Mueller, jusqu’au cercueil. Et ce qui reste de Cookie Mueller, grâce à Goldin, c’est son sourire tandis qu’elle discute avec une voisine, toutes deux assises côte à côte sur des wawa en porcelaine blanche, le slip aux genoux, dans un club new yorkais une nuit de 1979. Mais la photo que vous connaissez, c’est Gotscho embrassant Gilles maigre et triste sur son lit de mort, à l’hôpital, en 1993. Vous connaissez aussi le bras de Gilles, impossiblement étroit et long sur le drap blanc.

Goldin

Gilles

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