Chef de cuisine : Eugénie Brazier
Elle a vingt ans et un talent fou. Six ans plus tard, elle ouvre son propre restaurant, un Bouchon lyonnais. Le bouche-à-oreille fait le reste : sa table déborde rapidement. D’autant que le critique Curnonsky, « prince des gastronomes », fondateur de l’Académie des gastronomes, de l’Académie de l’humour et de l’Académie du vin, ne tarit pas d’éloges à son sujet. Regardez la : fière et large au milieu de sa vaste cuisine blanche, elle soulève le couvercle d’un de ses énormes faits-tout en ne paraissant pas songer une seule seconde à ses années de famine.
Chef de cuisine : Rougui Dia
Le génie de la jeune femme est si évident qu’elle passe second en un temps record. Puis chef de cuisine en 2005, à même pas trente ans. Et où donc ? Chez Petrossian, le roi du caviar parisien. Par petites touches épicées ou fruitées, sénégalaises ou indiennes, Dia allège la prestigieuse carte.
Chef d’orchestre : Claire Gibault
Après un long parcours comme chef d’orchestre de chambre puis assistante de chef d’orchestre, elle saisit enfin la baguette : elle prend la direction de l’opéra de Lyon. Nous sommes en 1991 et Gibault est la première femme à se hisser au pupitre.
Chef d’orchestre : Zahia Ziouani
Depuis ses trente ans, Ziouani dirige le Conservatoire de Stains, en Seine Saint Denis. Son mot d’ordre ? Le même que Shadd : « avoir de l’ambition et travailler ». Ses élèves ? Des jeunes de Stains, ville située assez loin de l’opéra Garnier.
Chercheuse d’or : Belinda Mulrooney
Alaska. Regardez, là bas, cette ville de boue gelée : c’est Dawson City. Trente mille habitants, une femme pour neuf hommes, huit chevaux pour tout le monde. Dans les bars de Dawson, les prospecteurs en veine se ruinent avec méthode et quantité de gens sont prêts à les aider. Les fêtes sont mémorables ! Un certain Jimmy McMahon flambe 780 000 dollars en une seule soirée. Les consommations se payent cash, en poudre d’or (le champagne atteint l’équivalent de 1700 dollars la bouteille). L’ivresse aidant, il paraît qu’il suffit, le matin venu, de balayer le sol au pied des tabourets pour devenir riche à son tour.
Avec la marge colossale que lui rapportent ses hardes et ses bouillottes, Mulrooney ouvre un restoroute puis un grand hôtel à Dawson. Elle achète sa propre entreprise minière et devient la femme la plus riche du Klondike.
Chercheuse d’or : Gill Marcus
A 60 ans, elle est enfin nommée gouverneur de la Banque centrale d’Amérique du sud. Son accession jette dans le ravissement à la fois les hommes d’affaire – dont elle fait partie – et les syndicalistes – pour son engagement politique. Dernièrement, elle a lancé un billet de banque à l’effigie de Mandela. Regardez-là brandir une liasse de coupures neuves : derrière ses petites lunettes, elle paraît savourer la reprise de la croissance dans son pays. A moins qu’elle ne pâlisse d’inquiétude devant les perspectives économiques mondiales, qu’elle qualifie d’« horribles » ?
Chirurgienne : Francine Leca
Les chambres de ses malades sont délabrées, l’administration manque de moyens, qu’à cela ne tienne : en 92, Leca fonde une association, Mécénat chirurgie cardiaque, qui collecte des fonds pour rafraîchir le matériel. Du moins jusqu’à cette lettre, en 96 – la lettre de trop parmi toutes celles que reçoit Leca. C’est celle d’un Iranien dont le fils est atteint d’une malformation cardiaque et qui n’a pas les moyens de le faire soigner. Sans illusion, Leca demande à l’hopital l’autorisation d’intervenir et reçoit le « non » attendu (« C’est normal, on ne peut pas dire à tout le monde : Venez vous faire opérer en France, c’est gratuit. »). Mais cette fois, Leca se rebiffe. Maintenant que les chambres de son service sont ripolinées de frais, elle rebaptise son association Mécénat chirurgie cardiaque enfants du monde et monte un réseau qui permet d’opérer entre 150 et 300 marmots par an. Les petits arrivent « tout bleus, en marchant péniblement », ils repartent « roses et rayonnants » et ça lui fait plaisir.
Chirurgienne : Nilab Mobarez
En 2000, elle fonde l’association Bactriane qui vient en aide aux femmes et aux enfants afghans. En 2001, elle fonde l’association Enfants afghans qui rassemble des fonds pour construire un hôpital à Kaboul, et retourne enseigner à l’Institut médical. En 2004, elle participe à la première élection présidentielle libre du pays. Depuis 2007, elle est attachée de presse de l’UNAMA (United Nations Assistance Mission in Afghanistan).
Elle a aussi publié un livre de photos, Femmes afghanes, qui montre – eh bien, essentiellement du tissu. Avec parfois, sous les voiles, le sourire.
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