Physicienne : Vera Rubin
Elle s’intéresse à la rotation des galaxies sur elles-mêmes. Laquelle a quelque chose de bizarre… Rubin va, à nouveau, avoir une intuition de folie. Voulez-vous essayer de vous montrer aussi géniale qu’elle ? Je vais vous exposer le problème. Je vous préviens : il est simpliste, la solution aussi. Pour ma part, je n’ai pas trouvé. Vous êtes prête ? Levons la tête vers les étoiles. Observons d’abord le système solaire. Que voyez-vous ? Un disque dont les éléments tournent autour d’un centre : le soleil. La toute petite planète Mercure, collée au soleil, tourne à toute vitesse autour de lui. Alors que le lointain Jupiter va un train d’empereur. C’est la loi de la gravité qui veut ça. Proche du centre = rapide, loin du centre = lent, il n’y a pas moyen d’y échapper. Observons maintenant, avec Rubin, cette magnifique galaxie spirale, diadème de notre ciel : Andromède. Que voyez-vous ? Oui, c’est aussi un disque dont les éléments tournent autour d’un centre. Les étoiles proches du centre tournent à toute vitesse alors que les étoiles éloignées orbitent moins… plus… à la même vitesse. Alors ça, c’est bizarre. Regardez Rubin éplucher ses clichés galactiques, l’oeil collé à l’objectif. Soudain, elle relève la tête : elle tient la solution. Ou plutôt, elle formule avec aplomb une hypothèse évidente. Et complètement bizarre. L’avez-vous trouvée ?
Physicienne : Sophie Baton
Elle travaille surtout la nuit, « parce que le planning du gros laser est surchargé ». « Les nuits sont longues, fatigantes, mais c’est passionnant. » Que fait-elle ? Elle « focalise son laser sur une tête d’épingle » et obtient « la puissance de plusieurs milliers de centrales électriques. » C’est ainsi qu’elle crée un plasma brûlant – « des millions de degrés ». Et qu’elle l’étudie. Car le seul problème avec la fusion, c’est qu’elle n’existe qu’au coeur des étoiles. Alors Baton recrée « des petites étoiles ». Elle appelle ça « l’astrophysique de laboratoire » : au lieu d’emmener un labo dans l’espace, on recrée l’espace dans un labo.
Politicienne : Rosa Luxemburg
A Berlin, Luxemburg entre au Parti socialiste allemand qui l’envoie politiser les ouvriers. Elle excelle vite dans ce rôle de porte-parole politique. Elle publie aussi des articles révolutionnaires qui la font connaître. Elle travaille comme journaliste, enseignante et traductrice (cinq langues). Ce qui ne l’empêche pas de donner des conférences (c’est une oratrice exceptionnelle), continuer à agir au sein de son parti polonais et devenir membre du Bureau socialiste international. Évidemment, tout ça lui attire des ennuis : trois mois de prison en 1904. Du coup, elle a le temps de rédiger une critique au vitriol de Lénine. Pour elle, la révolution doit se faire via la grève générale, pas la violence armée. (De toute façon, elle trouve que Lénine a « l’esprit étriqué ».)
Politicienne : Rabiatou Serah Diallo
Rabiatou Serah Diallo est désormais une femme « très respectée et très sage. » Ca change de l’époque où on l’accusait de vouloir « mettre le feu » partout. « Quand je mets le feu, c’est sous la marmite, pour nourrir mes enfants. Mais en Guinée, la marmite est vide […] C’est ça qui met le feu au pays ». [De notre envoyée spéciale : elle aime bien dire aussi, en parlant de l’aide internationale : « si on te lave le dos, alors frotte-toi le ventre. »] Je laisse à Rabiatou Serah Diallo le mot de la fin : « Je vous félicite et vous encourage pour cette belle initiative [la rédaction de ce livre.] Je pense que les femmes doivent pouvoir prendre la relève à tous les niveaux, femmes aux mille bras que nous sommes, courageuses et intelligentes. »
Prix Nobel et autres génies : Marie Curie
Marie Curie a un coup de génie : c’est le fameux « Pierre, je ne me trompe pas. » Elle comprend que les débris de la pechblende recèlent des éléments radioactifs inconnus. Elle en découvre deux et les baptise polonium et radium (900 fois plus radioactif que l’uranium, juste). En 1903, c’est le Nobel de physique. Ils le partagent à trois : Marie Curie, Pierre Curie et Henri Becquerel.
Prix Nobel et autres génies : Françoise Barré-Sinoussi
En 2008, c’est le Nobel pour elle et pour Montagnier. « L’ombre et la lumière. La tête chercheuse et le chef du département. »
De son côté, Barré-Sinoussi continue à arpenter les pays les plus touchés par le sida pour leur apporter soutien et moyens. « Je suis restée militante. » Son article paru en janvier 2012 dans le Monde Diplomatique, Vers un monde sans VIH, est un hymne à l’optimisme. A la solidarité aussi. Je vous laisse le découvrir en ligne. « Nous avons deux choix possibles : la solidarité et la collaboration, telles que nous les avons vécues aux débuts de cette épidémie ; ou le chacun pour soi, une approche dans laquelle tout le monde sera perdant. »
Résistante : Thérèse Pierre
Elles naissent toutes deux au début du XXème siècle. La grande blonde, c’est Emma. La petite brune, c’est Thérèse. A la fin des années 20, toutes deux décident de devenir enseignantes. Elles se rencontrent pendant leurs études. Commencent alors quelques années fabuleuses.
Pendant leurs congés, les deux jeunes femmes découvrent le camping sauvage, les longues marches sac au dos, les vertes collines de la terre et l’odeur des colchiques dans les prés. « Vent sauvage, jambon cru, figues fraîches. »
« Thérèse Pierre ? Son calvaire et sa mort sont dans bien des mémoires, mais leurs détails ne sont pas très connus. Transférée à la prison Jacques-Cartier, elle fut, dès son arrestation jusqu’à sa mort, torturée heure par heure, battue et flagellée deux jours consécutifs. Elle restait en contact avec ses compagnons de prison par le canal du chauffage central. Madame Lequeu, de Dol, recueillit ses dernières paroles. Le corps entièrement meurtri, elle se traînait sur le sol de sa cellule, sanglotait, criait de douleur, répétait inlassablement : « Je ne parlerai pas… Ils ne me feront pas parler. » Vers la fin de ce deuxième jour, elle prononça distinctement : « Ils n’ont rien obtenu de moi. » Le lendemain matin, on la trouva pendue aux barreaux de sa geôle avec un de ses bas. »
Résistante : Sihem Bensedrine
« La police n’a pas quitté le seuil de notre domicile depuis 1992. Les flics occupent mon paysage, ils brouillent l’avenir. C’est comme si vous aviez des lunettes avec de petites bestioles collées là en permanence. Quand vous regardez, vous les avez dans votre champ. C’est stressant d’avoir tout le temps à veiller à ceci et cela, et je ne parle pas des écoutes, de la violation de la vie privée. Je n’ai plus de vie privée. C’est épuisant, oui, mais j’ai choisi de ne pas baisser les bras. »
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