Senoufo Amchis fait sa toilette
Senoufo ferma les yeux et s’endormit instantanément.
Il se réveilla avec le mal de terre.
Il vomit dans le lavabo fendu, se rinça la bouche, puis remplit d’eau un mog noir de théine et y plongea une résistance blanche de calcaire. Il prit une longue douche froide, qui le lava du sel et des ombres de la nuit, se frictionna avec le tapis de bain jusqu’à ce que sa peau soit cramoisie. Des tatouages en forme de palmes s’étalaient sur sa poitrine et descendaient le long de ses hanches jusqu’aux chevilles.
Sur le rebord du lavabo, le mog se mit à bouillonner. Senoufo débrancha la résistance et entreprit de se raser avec un vieux rasoir à main. A une époque, il n’aurait jamais utilisé d’autre lame que son harpon mais avec l’âge, l’efficacité avait pris le pas sur la frime.
Il se peigna à dix doigts, sortit de la salle d’eau nu comme un vers et fouilla dans un sac de toile, d’où il tira un pantalon et un débardeur en coton épais. Il s’habilla rapidement, enfila une paire de chaussettes, des mocassins et une veste de peau. Sa respiration montait en panache épais devant sa bouche ; il ne devait pas faire beaucoup plus de 10°C dans la chambre. Car le marin qui s’habitue à la chaleur ne retourne jamais en mer. Senoufo posa le mog fumant sur la moquette, au pied de la fenêtre. Il sortit de son sac un paquet rond de biscuits Hershey’s, une boite en fer remplie de Gunpowder et une petite boule de métal grillagé, dans laquelle il tassa une pincée de thé. Il referma la boule et la lâcha dans l’eau frémissante.
Assis en tailleur sur la moquette poussiéreuse, il déjeuna lentement, le regard fixé sur le néon vert. Les biscuits, plâtreux, s’effritaient dans le thé très fort ; car le marin qui s’habitue à bien manger a beaucoup de mal à retourner en mer.