La Coureuse, Maïa Mazaurette [chronique]

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Ce livre aiguisé est d’abord servi par un style aussi limpide et rapide qu’un torrent de fonte des glaces. L’histoire est simple : voici une femme, « une technomade, ordinateur portable dans une main, billets d’avion dans l’autre » et aussi, une séductrice. « Bien sûr, l’amour n’est pas obligatoire. Il y a d’autres drogues sur le marché. Mais je n’en connais pas de meilleure. »

Cette squale se déguise tous les matins en fragile fleur de papier crépon. « J’ai créé sur-mesure cette créature […]. Une fille romantique, gourmande mais naïve. »

Pourquoi tant de dissimulation, au juste ? « Je joue le jeu parce que je n’ai pas le choix. S’il faut que je sois une princesse je m’inventerai une couronne, s’il faut que je me transforme en guerrière je prendrai les armes, parce que j’aime les hommes jusqu’à l’absurde. Sans [eux], ma vie serait minuscule et familiale : jamais je ne ferais de sport, jamais je n’aurais découvert les Etats-Unis ou Internet ou la plongée sous-marine ou la Bretagne ou le massage. Je ne parlerais ni anglais ni allemand. Je ne boirais même pas de vin rouge – autant dire que je retournerais en enfer. Aux hommes je dois tout« .

Le seul défaut de l’héroïne, c’est sa lucidité de sociologue : « Si j’étais quelqu’un de bien, je lui dirais que la femme idéale pousse sur un terrain de disponibilité émotionnelle généralement atteint par désespoir ou par ennui. Que la compagne d’une existence se révèle dans le compromis. Et que dans tous les cas, au bout de deux ans, les filles recommenceront à passer dans les rues avec des jambes irrésistibles – d’autant plus attirantes qu’il aura promis d’y être aveugle. »

L’aventure commence quand cette prédatrice décide d’avoir un homme. Mais entièrement. Elle veut sa peau, sa salive, son lit d’un bord à l’autre, son amour, son attention, son admiration, son pognon, sa défaillance, sa « dominance » et finalement, son âme. Elle l’aura. Devinez-vous la chute ? Si vous hésitez, cherchez-la dans Le journal du séducteur, de Kierkegaard. La Coureuse et lui racontent deux drames jumeaux.

La Coureuse, Maïa Mazaurette, Ed. Kero, 2012

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