Quelque part dans le temps, près d’Auxerre
– Il s’appelle comment, le chien ?
– Freud.
– Ça m’étonne pas. Vu comment il a baisé mon sac à dos…
– C’est quoi, dans le champ en face ? C’est des betteraves ?
– Qu’est ce qu’il fait beau !
– Je commence à avoir un peu faim, là. J’ai pas trop mangé hier et encore hier non plus, alors…
– Y a un bœuf bourguignon de prévu.
– Je crois que Freud vient de tchourer un kinder.
– Un oeuf en chocolat ?
– Nan : un Kinder. Avec l’alu, le chocolat, l’œuf en plastique et le barpapa qui se branle avec son microscope dedans.
– C’est des patates. En fait, il y a un nombre qui relie toutes les proportions dans le monde, c’est le nombre d’or. 2,38. Alors tu vois, l’angle du champ, là, en face, ça fait que c’est des patates.
– On ne m’avait jamais dit ça. En tout cas, pas à huit heures du mat’.
– Il est huit heures du mat’ ???
– Freud ? Petipetipetit ! Viens là, mon chien. Merde, il a bouffé le Kinder.
– Tu crois qu’il va mourir ?
– Je pense qu’il va plutôt être bien, bien constipé.
– Hm, ça sent bon ! J’ai les dents qui poussent, du coup.
– C’est le bœuf bourguignon. J’espère.
– C’est des petites patates. Plus exactement : des rates.
– Ca sent le gaz, non ? Ca vient de la cuisine ? Ohlala.
– On est allés voir le match en face, le match de rugby. On est arrivés tout peignés, tout propres…
– Qui a éteint le gaz sous le boeuf bourguignon ? C’est censé mijoter quatre heures, ce truc !
– Il est tout bizarre, le iench. Il est en train de bouffer un arbre.
– C’est le kinder qui monte.
– C’est de la rate. C’est la race. Des patates.
– J’ai su-per faim.
– Y a tout c’qui faut ! Y a du fromage.
– Il est quelle heure ? Deux heures ! Du matin ou du soir ?
– Quatorze heures du matin, alors. Il fait jour, là, quand même.
– Mais il est relou, ce chien !
– Ah ! Toi aussi, il a essayé de te sodomiser la jambe ?
– Caisse que j’ai les crocs !
– Dis pas ça à N, ça va lui faire de la peine et il va te dire qu’il y a du fromage.
– C’est des betteraves ? A votre avis, le champ du fond ?
– Faut en déterrer une, pour voir.
– Un moment, je suis passée dans la cuisine et j’ai vu tous les feux à DONF sous les faits-tout !
– Non mais ce beau temps !
– J’ai tout éteint.
– Tiens le chien, tiens ! Va chercher la pompe à FF ! Va chercher !
– Nan mais vous sortez du champ, là !
– J’ai pas mangé hier soir, j’ai pas mangé ce midi, il faut vraiment que je trouve un truc ce soir.
– Y avait un bœuf bourguignon de prévu mais il n’a pas l’air d’arriver.
– On a été polis comme tout, on a dit bonjour, on s’est assis à trois sur le bord du canapé, tout polis tout propres, bon. Le match commence…
– Vous n’avez pas vu mes pompes ? C’est des pompes bleu marines, elles étaient là…
– Rabitt dit que c’est du colza et il a un grand père paysan.
– Tu ne crois pas que ça serait plus prudent d’éteindre le feu ? Vu l’état du cuistot…
– Heureusement que N est intervenu : ils étaient douze à déterrer le champ pour prouver que c’est pas des betteraves.
– J’ai la putain de dalle en pente de sa mère la race.
– Y a du pain. Et du fromage.
– Y a des kinder.
– Mais ce bulot qu’on a avec le temps !
– On m’a offert un tee shirt avec un pixel mort, ouiii !
– C’est pas des betteraves : y a rien au bout des racines.
– Ouiii ! Rosy s’est mise aux saucisses !
– Il est quelle heure, là ? Dans les neuf ou dans les seize ?
– Et là, t’as Rosy et sa bande qui ont débarqué. « Elle est où la coke ? » Ils ont passé tout le match collés à la cafetière à faire des commentaires désastreux, « faut leur filer deux ballons », tout ça.
– Olak, c’est comme Annoying orange, un peu.
– C’est simple : en fait, le champ là-bas, il existe pas.
– C’est une solution, c’est sûr.
– C’est des drogués, j’ai l’habitude, ça fait vingt ans que je leur fais la cuisine : ce qu’il leur faut, c’est des saucisses.
– Je vois à peu près l’heure qu’on est, mais le jour…
– Annoying orange, c’est une orange accoudée à un bar et qui fait : « Apple ! Apple ! Hey, apple ! »
– C’est pas du colza ! Le colza, c’est tout petit et tout jaune et là, c’est gros et vert.
– Il avait tellement faim qu’il a bouffé ma saucisse avec la fourchette. J’te jure. Crountch !
– Et il fait toujours beau, tintintin.
– Apple !
– C’est des haricots, peut être ?
– Mais le premier qui reéteint le feu, je le…
– Mais sinon bien, le match.
– Hey, apple !
– C’est des citrouilles chelou ?
– Non, on a mis Bams gardien du feu sous le bœuf bourguignon. A priori, on devrait pouvoir y goûter demain midi.
– Il est déjà dimanche ???
– Lundi.
– Apple ?
– Tu vois que c’était pas con, de prévoir des saucisses.
– Franchement le temps, on l’aurait commandé, on n’aurait pas osé demander luxe comme ça.
– Apple, apple !
– On a fait huit bornes à pince dans le coin, des champs de non-betteraves, il n’y a que ça. Faudrait qu’on demande.
– A qui ? Le seul qu’on ait vu, c’est un tracteur.
– Elles ont l’air veuch, les poules.
– Ca, si elles picorent à nos pieds depuis avant-hier…
– Apple ?
– C’est le chill out, ici ? Vous écoutez quoi ?
– Pink Floyd.
– Pink Floyd ???
– Olak n’aime pas Pink Floyd. C’est le chill out.
– Ayé, je sais ! C’est de l’herbe.
– Dans tes rêves.
– J a vu L et Ben3, elle leur a dit : « Nan, toi, tu pars pas. Tu vas te coucher. » Et ils l’ont fait. Classe.
– Mais on va en faire quoi, de tout ce bœuf bourguignon ? On en a huit litres.
– Tkt, on va le filer à Freud.
– Même Leng s’est frité avec Olak.
– A un moment où son esprit repassait dans le coin, alors.
– JM a passé tout le week end à faire des rush. Douze heures de rush ! Ca va être beau.
– Ouais mais il a fait ses rush en dansant. Douze heures qui sautillent, je doute.
– Laisse, c’est un spiral, il a monté pire.
– C’est marrant, il ne bouge plus trop, le iench.
– Finalement, on n’a jamais su, pour le champ d’en face ?
– Alors là, je vois pas de quoi tu parles, gars.