La Une à laquelle on n’a pas échappé

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Allah ouakbar : loc. fam. Désigne de la viande hachée.

Je me souviens : j’étais jeune, j’étais belle, je sentais bon le sable chaud, j’étais en colère, et Charlie a fait sa Une sur le sang contaminé. J’ai acheté Charlie, et je ne l’ai plus lâché pendant des années.
Je me souviens des derniers articles de Renaud, et de ceux de Polac. Je me souviens de Luce Lapin essayant de sauver l’arche de Noé en son entier. Je me souviens comment Oncle Bernard a fait mon alteréco éducation, m’expliquant en détail à quel point la Banque Mondiale, le FMI et l’affligeant Trichet nous enculaient – et sans génie, et sans talent, et même sans la moindre discrétion. Du coup, j’avais antipotassé tous ses antimanuels d’économie. Je me souviens que Charlie a publié une de mes lettres et que j’étais très fière. Je me souviens comment Charlie a sauté sur le Vitrolles des Mégret, et que tous les lecteurs de Charlie sont descendus pour le concert de Noir Dez et Zebda au Sous-marin (Noir Dez, oui, je sais, mais c’était *avant*). Je me souviens que je m’étais payé les billets pour le concert mais du coup, je n’avais plus le rond pour me payer le train pour descendre à Vitrolles alors finalement, les billets, je les avais collés à mon mur. Je me souviens de Noir Dez chantant Un jour en France et que j’avais peint les paroles sur le capot de ma voiture : « Un autre jour en France, des prières pour l’audience et quelques fascisants autour de 15%, CHARLIE DEFENDS MOI ! » Je me souviens de Val écrivant (je cite de mémoire) : « Les différences culturelles sont précieuses pour le plaisir que leur découverte procure mais aucune ne vaut la mort d’un homme ni d’un chien », je me souviens que je lisais Charlie de la première à la dernière ligne inclusivement dans le métro et que je ratais régulièrement la foutue station, je me souviens avoir changé une couche sur la table du stand de Charlie au Salon du livre, je me souviens que j’avais trouvé les caricatures de Mahomet supernazes (sauf la fameuse « Stop ! We ran out of virgins »), je me souviens du fameux : « Dès qu’on bouge un coude, ça fait le jeu du Front national. MAIS Y A JAMAIS RIEN QUI FAIT LE JEU DE LA GAUCHE ? » Je me souviens de tous les dessins que j’ai collés au mur en riant comme un sac à main (Ah ! La tabassette Debré) (mes murs étaient très décorés), et des albums de Charlie, « Charlie saute sur les sectes » (« Elle se fait appeler Esthercielle mais son vrai prénom, c’est Monique »), « Le tour de France du crime » (« Maman, elle est entrée à la clinique pour un fibrome. Mais le médecin lui a dit : « Vous avez un fibrome à deux pattes. » En fait, elle était enceinte de Michel. ») . Je me souviens que face au FN, le dimanche sur les marchés, dans les manifs, dans les nuages de lacrymo, sur le pont du Carrousel, chaque soir d’élections désastreux et pendant toute la semainus horribilis d’entre deux tours en 2002, Charlie nous a fourni des mots, des images, des slogans, une sensation d’unité et la pêche. Je me souviens que j’ai trouvé mon chat gris dans les petites annonces de Charlie.
Je me souviens aussi que petit à petit, Siné m’a gonflée avec son homophobie, Val avec son ton péremptoire et Charb avec sa manie de dénoncer, dans une même brassée, les crimes contre l’humanité et les chaussures à talons hauts. Je ne me souviens pas quand j’ai arrêté d’acheter Charlie.
Demain, juré, je me réabonne. Charlie, défends-nous !

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