[nos amis les gens] Talons impurs
(un diner)
Edef F. : Ça va ?
Gedef H. : Ça va.
Edef F. : Ça va pas.
Gedef H. : Si, mais je me fais du mouron behavioriste. J’ai lu un vieux truc, sur un incendie qui a eu lieu dans une école de fille, dans les années 2000, je ne sais plus où. L’école flambait, et la police a refusé d’ouvrir les portes pour que les filles sortent parce qu’elles n’avaient pas leur voile ou un truc comme ça. Alors elle sont mortes cramées. Suite à quoi, la maréchaussée a juré son Grand Dieu que ces filles n’étaient pas mortes brûlées mais auto-piétinées dans la panique, donc que c’était leur faute. Parce que les filles c’est comme ça, ça s’affole et c’est sans-soin, et ça porte des talons pointus tout à fait impurs.
Edef F. : Bah c’est ça, la religion.
Gedef H. : Non, je te parle de behaviorisme. De comportement, quoi. Face à un incendie, c’est une chose de porter secours, une autre de ne rien faire, et une troisième d’aller fermer les portes. Imagine la scène. Premier geste : un immeuble flambe, tu restes à regarder les flammes monter en faisant : « Oulala. »
Deuxième geste : un immeuble flambe, tu cherches fébrilement un extincteur, par chance tu en trouves un, tu te bats hardiment contre cette fichue virole et hardi petit ! Tu arroses tout ce que tu peux en toussant.
Troisième geste : Il y a, devant toi, une porte ouverte d’où sortent de la fumée et des gens qui courent. Tu t’approches de la porte et tu la fermes. Derrière, ça hurle. Des choses équivalent à « Au secours ! » d’abord, ensuite des machins de moins en moins articulés parce que brûler vif, ça fait mal. Et toi, tu gardes la porte fermée. De l’autre côté, on hurle de plus en plus, j’imagine qu’on cogne contre le battant, qu’il y a la chaleur, la fumée, et l’odeur… Tu reveux des nouilles avec ton jambon ?
Edef F. : Tu crois qu’un jour, quelque part, il y a eu quinze petits garçons brûlés vifs par des femmes ?
Gedef H. : Moi je dis, pour fermer la porte, et pour la garder fermée, il faut vraiment…
Edef F. : Il faut vraiment avoir des couilles, mouahaha ! Pardon.