[nos amis les héros] Mon beau miroir
(un bureau)
Gould H. : J’écoutais la radio au boulot, France Q bien sûr. Il y avait une retransmission du procès du génocide rwandais au Tribunal Pénal International. On entendait défiler tous les kapos du massacre, tous ceux qui n’avaient rien vu, qui n’avaient rien entendu, qui ne se souvenaient de rien, des gens qui avaient machété des familles entières, arrosé d’essence des centaine de femmes entassées dans un stade, l’horreur. Et au milieu de cet océan de crabes, on a fait témoigner un instit’. Un gars très calme qui a expliqué pendant une heure comment il avait caché des enfants dans son école, comment il avait tenu tête tout seul à des fous sanguinaires qui venaient pour fusiller la cour de récréation. A la fin, grand silence. La juge lui a demandé : « Mais pourquoi, mais comment, mais où avez-vous trouvé la moelle pour faire tout ça, à un moment où tout le monde, au mieux, se débinait ? » Il a répondu : « Oh, j’ai juste essayé de faire ce que je croyais bien là où je pouvais le faire. » Ah, mon vieux ! Après toute la diarrhée qui l’avait précédé, cet homme est apparu comme un Sauveur. Parce que c’est encore plus que des humains qu’il avait sauvés : c’est l’Humain avec un grand H. Il nous tendait un miroir dans lequel on pouvait enfin se regarder. Et tu sais quoi ? Tout le tribunal a applaudi. C’est interdit d’applaudir au tribunal, hein ? Ils ont applaudi quand même. Madame la Juge a bien un peu tapé de son marteau pour faire cesser les applaudissements mais elle n’a pas tapé fort. Il a fait un bien à tout le monde, cet homme – j’en avais les larmes aux yeux.