La tête raclant la lune

La tête raclant la lune

in revue Bifrost n°70, Ed. Le Belial, 2013

Une suite à Un temps chaud et lourd comme une paire de seins.

Elle s’appelait Ulalee Giampietro. Elle avait quarante-quatre ans, elle était lieutenant à la brigade criminelle du Seattle Police Department.

L’affaire lui est tombée dessus un soir de septembre. On avait retrouvé un homme mort dans un dégagement du métro, à demi-dévêtu et le pénis trouilloté par ce qui ressemblait à une morsure de crotale. C’était le troisième en trois mois.

Ulalee Giampietro était une gamine du Nevada transplantée à Seattle. Sa famille appartenait à la classe moyenne tendance tensions conjugales ; sa mère était une technicienne frustrée, son père encaissait le plus gros. Ulalee avait enduré les montées d’adrénaline de l’adolescence à Green Lake, banlieue ouest, en faisant du sport et l’amour. Les garçons du nord étaient calmes, rêveurs et bien montés.

À 18 ans, Ulalee a commencé à regarder autour d’elle, au-delà des toits de béton pluvieux de Green Lake ; elle est entrée au SPD.

Elle a été affectée au service de levée des incognitos. Un job basique. Tout en levant les masques, elle rêvait d’action. Elle voulait risquer sa vie et sauver des vies ; elle a été nommée au service des prisonniers.

A Seola County Jail, son étage était celui de la mort blanche. Les hurlements des criminelles condamnées à des décennies de coma artificiel faisaient trembler les plaques d’isolant sous ses pieds. Seola l’a fait vieillir d’un coup.

Elle s’est mariée un dimanche du printemps 58. Le lendemain, elle était mutée à Sunnydale, un quartier noir et aisé. Elle aimait patrouiller, taser à la ceinture ; elle aimait courser, serrer, coffrer ; elle avait la nuque raide et les nichons en béton. Elle a découvert les déviances que l’argent permet, et les traques dans les caves remplies de vin congolais.

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