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[nos amis les gens] Bullshit jobs

(une cafète)
Guido H. : Il y a longtemps de ça, j’avais fait des pieds et des mains pour être promu au service schmurtz, genre « marketing stratégique », le truc prestige confit de costards-cravates des grandes écoles, tout bien. Je me suis senti valorisé, quand j’ai décroché le poste.
Une fois là-bas, l’enfer. Une espèce d’ennui profond, total, permanent, un – je ne sais pas. Tout le monde était grognon, amer, irrité, irritable. Le patron était charismatique vu de l’extérieur, mais vu de l’intérieur, c’était – on ne peut pas appeler ça du harcèlement, tu comprends ? Il ne me traitait pas, mais quand je lui apportais un nouveau projet, ou rien qu’une note de service, il me gardait en entretien pendant une heure pour dire des choses comme : « Il est très bien, votre projet, mais le grammage de votre papier, là, ça ne va pas du tout. » Ou : « C’est très bien d’avoir monté tout un programme d’incentive mais quand vos participants arrivent et que vous leur distribuez des blocs-notes avec des stylo-billes, la recharge du stylo-bille, là, c’est dit sur la boite qu’elle doit durer quarante heures, eh bien j’ai testé et elle ne dure que trente heures. Vous pouvez vérifier ça ? » Il faisait une sorte de fixette pathologique sur des détails débiles, le tout enveloppé dans des « synergies opérationnelles » et « improvement de l’arbre des possibles », un emballage absolument imbouffable.
Il n’y a pas longtemps, j’ai croisé un copain qui jusque là aimait son job, et je l’ai trouvé tout chafouiné, tout écrasé de mauvaise fatigue. Il m’a expliqué qu’il avait attrapé un nouveau boss pas méchant, mais confus. « Tu comprends, je monte un projet avec Romilly, Jacqueline de, la grande classe. J’invite Romilly à dîner avec mon chef : il est arrivé en retard, parti en avance et entre les deux, il a dit à Romilly : « J’ai lu votre Empire éclaté, très bien. Un peu long mais très bien. Surtout le passage sur Bouvines. » Bref, Romilly l’a pris pour un bouffon, elle a fichu le camp et mon projet est à l’eau. »
Un peu plus tard, j’ai lu un article sur les bullshit jobs et c’est là que l’illumination s’est faite. Coot ! J’ai pondu un nouveau concept : « le management par l’ennui ». Imagine : tu viens d’être promu à un poste, tu te sais ou crois arrivé à ton niveau d’incompétence et tu ne veux pas que ça se remarque. Alors tu fais du management par l’ennui : ça consiste à accabler ton équipe de tellement de pinailleries, de procrastinations et de palinodies qu’elle en vient à t’éviter. C’est juridiquement inattaquable et pour pousser les cadres par la fenêtre, c’est aussi efficace que du harcèlement moral à la médiévale. Parce que c’est une violence comme une autre, de contraindre des gens à travailler pour rien dans un déluge de réunions inutiles et de tirades fumeuses. Il est pas beau, mon nouveau concept ?
Brasse C. : Faut faire breveter.

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