Celle là est dédicacée au héros de l’histoire, Get, de son vrai nom Ian Brown. Il s’est pendu il y a bien longtemps.
Get n’avait rien à faire ici, ni à cette époque. Ce roseau rêvant ( couramment surnommé le poireau planant) aurait dû porter la tenue d’un page médiéval, un joli pourpoint de velours pour cacher ses côtes étroites, avec une toque à plume abaissée sur son visage ingrat. Il aurait joué du luth, un genou en terre, au pied d’une dame à la licorne.
Je ne sais plus quand, ni pourquoi, nous nous sommes adressé la parole pour la première fois, toujours est-il que nous échangions à l’occasion un salut et un sourire idiot. Il a parfois posé son plateau à côté du mien sur une des tables du restau U, ou son Get 27 à côté de mon demi dans un des bars de Haussun. Chaque fois nous avons parlé littérature, sans entrain, lui Saint John Perse, moi Lautréamont. J’étais tout juste intéressée par son faciès bizarre, une lame de couteau plâtrée d’ennui que crispait soudain, sans raison, comme une excuse ou une concession à la vie sociale, un des plus beaux sourires que j’ai jamais vus. Je ne sais pas trop ce qui l’intéressait lui ; à mon avis, rien. D’après les rumeurs de l’Institut, il avait été précocement usagé par l’abus de substances directement extraites du canal et de maladies honteuses compliquées.