Ada ou la beauté des nombres

Fayard (4 septembre 2019) ISBN 978-2-213-71279-6 (18 euros)

4 de couv’

Ada Lovelace, fille du poète Lord Byron, est une lady anglaise perdue dans les brumes du XIXe siècle. Nous voilà  cent ans avant le premier ordinateur, et personne ne se doute que cette jeune femme maladive, emprisonnée dans un corset, étouffant entre un mari maltraitant et une mère abusive, s’apprête à écrire le premier programme informatique au monde.

À 25 ans, déjà mère de trois enfants, Ada Lovelace se prend de passion pour les mathématiques. Elle rencontre Charles Babbage, qui vient de concevoir une machine à calculer révolutionnaire pour l’époque. C’est en la voyant qu’Ada a soudain l’intuition de ce qui deviendra l’informatique.
Sans elle, pas d’Internet, pas de réseaux sociaux, pas de conquête de l’espace.

La première page

En ce 2 janvier 1815, le très célèbre Lord Byron, poète débauché et ruiné, épouse à Seaham Hall, dans le nord de l’Angleterre, la très sage Annabella Milbanke. Il la surnomme la « princesse des parallélogrammes », à cause de son goût pour les mathématiques, assez rare chez les riches ladies. Un an plus tard, dans le bel appartement londonien des Byron‑Milbanke, une petite fille vient au monde : Ada. Dans la pièce à côté, Lord Byron, ivre d’opium et de brandy, tire au pistolet sur le peu de mobilier que les huissiers lui ont laissé. Annabella prend son bébé et va se réfugier chez ses parents. Les deux époux ne se reverront jamais.

Vingt‑cinq ans plus tard, Ada Byron, épouse King et comtesse Lovelace, déjà mère de trois enfants, se lance dans l’étude des mathématiques. Elle se hisse en trois ans à un niveau suffisant pour apprécier le travail d’un inventeur génial : Charles Babbage. Celui‑ci vient de mettre au point un énorme calculateur automatique. Ada se penche sur ces rouages complexes lorsqu’une intuition lui vient : et si, au lieu de ne manier que des chiffres, cet engin traitait aussi des symboles ? Elle met son intuition au propre : ce sera la fameuse « Note G », le premier programme informatique au monde. Ni Ada ni Babbage ne sauront jamais à quel point ils ont été géniaux. Ada meurt jeune, aussi droguée et endettée que son père. Babbage s’enfonce lentement dans la solitude et l’amertume. C’est son fils Henry qui, conscient du génie de son père, fabrique certaines parties de son calculateur. Hélas, ces prototypes ne convainquent personne. Ils finissent au grenier. En 1937, un physicien américain nommé Howard Aiken va faire un tour dans le grenier de Harvard. Il découvre un des prototypes laissés à l’abandon. Il propose à IBM de fabriquer une machine à partir de ces engrenages : Mark I. Celui‑ci aura une nombreuse descendance : les ordinateurs. Tous nos ordinateurs.

En 1950, un mathématicien anglais nommé Alan Turing, celui qui a conceptualisé l’informatique et craqué le code des nazis, s’inspire des travaux d’Ada et baptise un de ses arguments scientifiques L’objection de Lady Lovelace. Grace Hopper, une collègue d’Aiken, dit au sujet d’Ada : « C’est elle qui a écrit la première boucle. Je ne l’oublierai jamais. Aucun de nous ne l’oubliera jamais. » En 1978, le nouveau langage informatique du département de la Défense américain est nommé Ada. C’est le début de la reconnaissance. Ada Lovelace cesse, enfin, de n’être qu’une note de bas de page dans les biographies de son père.

Rien ne prédisposait Ada à devenir informaticienne. Issue de deux très nobles familles, c’est une vraie lady anglaise perdue dans les brumes du romantisme. Pâle, perpétuellement malade, serrée dans des robes de cour aussi coûteuses qu’inconfortables, elle vit coincée entre une mère intraitable et un mari maltraitant. Elle aurait pu dépenser sa brève existence dans des occupations compatibles avec son statut social et son époque : boire du thé, broder des nappes ou mourir des fièvres en Inde. Seul un formidable effort de transcendance l’a poussée à mettre au point sa « Note G ». Elle a imaginé l’informatique, elle l’a tirée du néant en un temps où il n’y avait pas encore la moindre trace de modernité. Toute seule avec sa plume d’oie, devant son écritoire râpé, Ada a réussi à marquer notre civilisation autant que Pasteur, Einstein ou Fleming. Elle a bricolé une lampe qui s’est levée comme un soleil sur la seconde moitié du XXe siècle et qui illumine le troisième millénaire, modifiant la forme et le devenir de toute activité humaine.

La santé au temps de Victoria

Même la statue dans la cour ne supporterait pas le régime imposé par la médecine du temps. Au quotidien, celle-ci se défie à la fois de l’eau (aussi bien à boire qu’à laver), du soleil, des fruits, des légumes et de l’activité physique. Relisez cette phrase, et imaginez les conséquences sur un organisme en pleine croissance. La vie d’Ada ne sera qu’une immense carence affligée d’une interminable gastrite. La gastrite et le reste sont traités par des poisons divers (les médications de l’époque sont chargées de métaux lourds) et des saignées. Annabella raffole des saignées, en accable sa fille et se fait elle-même saigner de toutes les façons : lancette, ventouses de verre appliquées sur des scarifications, sangsues, avec une préférence pour ces dernières. Elle se les applique le plus souvent à l’endroit précis d’où sont censés provenir tous les troubles féminins.

Afin de chasser cette image, revenons à Ada. Dès ses huit ans, en 1824 – l’année où son père meurt –, elle est accablée de migraines. Sa santé s’améliore quand sa mère l’emmène faire, pendant un ou deux ans, un grand tour d’Europe. À douze ans, Ada semble en forme. Pour ses treize ans, sa santé se dégrade à nouveau : rougeole. Elle reste sur le flanc pendant deux ans – encéphalopathie, a priori. La diète sévère et l’immobilité complète auxquelles on la contraint ne l’aident pas à se rétablir rapidement. De ce moment, Ada devient valétudinaire. Outre la gastrite, elle souffrira toute sa vie d’asthme, de troubles de l’équilibre et de dépression, avec des crises d’angoisse – des sensations de mort imminente, notamment, qu’elle compare à des crises cardiaques. Aux saignées et aux potions s’ajoutent alors des prescriptions d’alcool, d’opium et, enfin, de morphine. Rien d’étonnant dans ces ordonnances, et certainement pas l’opium, vendu dilué dans du vin sous le nom de laudanum. Tout le monde en prend. La consommation ne fera que croître en Angleterre pendant le XIXe siècle, dans toutes les classes et à absolument tous les âges – le fameux sirop pédiatrique L’Ami de maman prescrit cinq gouttes pour les nourrissons de cinq jours, vingt-cinq gouttes dès cinq ans. Si vous vous demandiez comment les Anglaises et les Anglais réussissent à traverser ce long tunnel d’oppression qu’est l’ère victorienne, maintenant, vous savez : toute la population est droguée jusqu’aux yeux.

Ada, elle, trouve que l’opium la rend délicieusement philosophe, et la soulage de toutes ses envies, ainsi que de toutes ses angoisses. Elle cerne en peu de mots son problème, l’inaction et l’absence de perspectives imposées par un contrôle social dément. Fatalement, à tous ses ennuis de santé s’ajoutent bientôt les effets débilitants de la drogue, puis les symptômes du manque. L’ensemble du tableau clinique a, bien sûr, fait l’objet de diagnostics compliqués et incertains. On a parlé d’une porphyrie héréditaire, tombée du haut d’une ascendance royale fantasmatique. Il me fait surtout penser à une somatisation de mammouth : la fameuse hystérie, qui accable tant de ces femmes sous contrainte au XIXe siècle, et dont Charcot puis Freud font leurs délices. Pour ces hommes-là, tout vient de l’utérus. Et je ne résiste pas à l’envie de parler de la ravissante étude menée par la biographe moderne Dorothy Stein dans l’appendice de sa biographie d’Ada, Ada Byron : la comète et le génie (traduction étrange de Ada Byron, a Life and a Legacy, publiée en 1985) sur « la théorie de l’utérus migrateur », alors en vogue.

Dit aussi « utérus sauteur », cet organe facétieux est réputé « doué d’une vie propre ». Bondissant d’un bord à l’autre de la cage thoracique, il y crée toutes sortes de désordre : engorgement des poumons, crise de foie, mal de dos, il piétine tout sur son passage. Il lui arrive même de remonter plus haut, embarrassant la gorge ou les yeux. Il importe donc de le remettre en place, soit en faisant du cheval (qu’allez-vous supposer là ? Simplement, le mouvement du cheval est réputé faire retomber l’utérus dans son emplacement naturel), soit en l’attirant vers une extrémité grâce à de bonnes odeurs, et en le repoussant de l’autre extrémité à l’aide de mauvaises. Maintenant que vous avez visualisé toutes ces ladies, un bouquet de violettes dans la cramouille, en train de sucer des crottes de lapin, notez que tout ceci est rigoureusement sic, et reprenons notre route au côté d’Ada.

La fameuse Note G

Nous voilà en 1841. Ada travaille d’arrache‑pied avec Morgan tout en faisant, métaphoriquement, du pied à un autre scientifique : Babbage. Elle le connaît, aussi bien qu’on peut connaître quelqu’un dont on a assidûment fréquenté le salon entre 1833 et 1835, en même temps que deux cents autres invités, avant de se laisser absorber par les couches et les layettes. Elle lui écrit avec un grand naturel et lui propose ses services de traductrice, car elle pratique avec aisance aussi bien le français que l’allemand. C’est qu’il est d’usage de commencer une carrière scientifique par des traductions. Signer un article scientifique en position de traducteur ou de traductrice et le voir publier dans une revue reconnue est un moyen habituel de se faire un nom. […]

Pendant ce temps, Babbage continue son grand œuvre : le moteur analytique. En 1840, il est à Turin pour donner des conférences sur le sujet. Un jeune ingénieur (et futur ministre), nommé Luigi Menabrea, est enthousiasmé. Il rédige en français une description du moteur analytique, qui satisfait son inventeur. Elle est illustrée de dessins, réalisés par Babbage lui‑même, qui représentent les instructions à donner à la machine à l’aide de cartes perforées : les diagrammes. Ils seront un jour rebaptisés programmes. La description de Menabrea est publiée à l’automne 1842. Ada la traduit en anglais dans la foulée, sans en changer une virgule. Début 1843, la description dans sa version anglaise est sur le point d’être publiée – mais écoutons plutôt Babbage : « La défunte comtesse de Lovelace m’informa qu’elle avait traduit le mémoire de Menabrea. Je lui demandai pourquoi elle n’avait pas écrit elle‑même un article original sur un sujet qu’elle connaissait si bien. Lady Lovelace répondit que l’idée ne lui en était pas venue. Je lui suggérai alors d’ajouter des notes au mémoire ; elle accepta immédiatement. » Ada se met au travail. Elle rédige des notes « qui clarifient, étendent et parfois corrigent l’original […], rassemblées et isolées de la traduction ». Bref, elle écrit un article, sous forme de notes de la description de Menabrea, qui représente deux fois le volume de la description de Menabrea.

Que contient‑il, cet article ? La note A contient une vision, qu’Ada appelle la « science poétique » : « La machine analytique tissera des motifs algébriques comme les métiers de Jacquard tissent des fleurs et des feuilles ». Pour Ada, le moteur analytique sera un jour capable de libérer les symboles algébriques de leur valeur numérique ; de transcender les nombres pour accéder à un espace mathématique pur. […] De là, elle tire un principe essentiel : « L’objection de Lady Lovelace » (nom donné par Alan Turing dans son célébrissime article de 1950 qui fonde ce qui deviendra l’Intelligence artificielle). […] Ada réalise là ce que Babbage, obnubilé par les détails matériels, n’a pas fait : un saut conceptuel. Agissant comme une focale panoramique, Ada place le travail de Babbage « dans un cadre conceptuel plus large sur lequel elle espérait qu’on pourrait bâtir ».

Que pense Babbage de tant d’enthousiasme ? Il est ravi. Il trouve la note A d’Ada tout simplement admirable et veut publier tout son article dans une revue scientifique de prestige, en même temps que la description de Menabrea. Mais Ada ne se contente pas d’avoir des visions, fussent‑elles prophétiques. Elle met aussi ses visions au net et invente dans sa note G les premiers outils informatiques. L’informaticien Philippe Guglielmetti explique, dans son blog Pourquoi comment combien, qu’« une idée fondatrice de la programmation, c’est de pouvoir coder “répète 123 fois ceci”, et que la machine ait un moyen de compter jusqu’à 123, ce qui implique l’existence d’une mémoire dont le contenu est modifié par les instructions du programme. Comme l’a très bien exprimé Alan Perlis [un informaticien américain] : “Un programme sans boucle et sans structure de données ne vaut pas la peine d’être écrit.” Alors, qui a écrit le premier programme valant la peine d’être écrit, la première boucle ? C’est Augusta Ada King, comtesse de Lovelace. […] La fameuse “note G” montre clairement qu’elle a inventé les notions de variables et de boucles [qu’elle appelait cycles] en programmation. Et accessoirement, que madame Lovelace commentait son code en prose intelligible, une habitude qui se perd ».

Pour celles et ceux qui ont lu le livre, quelques images

La grand-mère paternelle, lady Catherine Gordon de Gight

Lady Catherine Gordon, 13th of Gight, est une Écossaise de très haute graisse. Ses ancêtres sont des lairds, l’équivalent local du lord anglais, sur un nombre de générations qui se perd dans les brumes de l’an mil. Ils sont aussi délinquants de trisaïeul en arrière-petit- fils. Comme le dit joliment André Maurois, « il semblait qu’on eût pendu des Gordon de Gight à toutes les branches de leur arbre généalogique ».

Le grand-père paternel, Mad Jack Byron

Mort d’ennui ou traqué par les créanciers, il s’enfuit en France en 1790 et échoue à Valenciennes. Son plaisant minois, à trente-cinq ans, commence-t-il à pâtir de son ivrognerie ? Il ne trouve pas de nouvelle femme à croquer. Il meurt l’année suivante (on « suspecte un suicide »), littéralement sans chemise, après avoir, assure-t-il, « eu le tiers des femmes de Valenciennes. » On mourrait à moins.

Le père, George Gordon Byron

Heureusement, à côté de tant de disgrâces, il possède quand même quelques atouts : il est beau comme son père, volontaire comme sa mère, et intelligent comme on ne voit pas trop qui dans son ascendance. Quand il atteint l’âge de dix ans, son grand-oncle Lord « Le cruel » Byron disparaît, après avoir consacré son existence à se ruiner pour emmerder ses descendants. Le petit George hérite du titre, et de ce qui reste de Newstead.

(c) Newstead Abbey, Public Catalogue Foundation

Newstead

A la fin du XIIe siècle, un roi anglais nommé Henri, deuxième du prénom, se rend coupable devant Dieu d’un meurtre voyant : il fait assassiner un archevêque dans sa propre église, quasi sur l’autel. Pour se faire pardonner, Henri II construit en forêt de Sherwood, près de la ville de Nottingham, quelque part au cœur vert de l’Angleterre, une ravissante abbaye : Newstead.

La grand-mère maternelle, Lady Noel

Là où tout le monde s’accorde, c’est pour dire qu’elle n’a pas un caractère commode. Elle est très pieuse et, bien sûr, vertueuse « au sens ignoblement étroit qu’on donne à ce mot à l’époque », selon les mots de Marguerite Yourcenar, « comme si la vertu pour la femme ne concernait qu’une fente du corps ». La décente Miss, devenue Lady Milbanke à vingt-cinq ans, trouve si aisément le reste de l’humanité débauché ou décadent qu’elle se brouille volontiers avec tout le monde, en commençant par sa belle famille. Il faut dire que celle-ci compte dans ses rangs, entre autres désastres moraux, Lady Melbourne, soit Madame de Merteuil à Mayfair, qui donne à son époux huit enfants dont sept ressemblent aux meilleurs amis de leur père. Lady Milbanke préfère se tenir à l’écart de tout cela au fond de sa province, à Seaham Hall.

Le grand-père maternel, Sir Ralph Milbanke

Le grand-père maternel d’Ada, sir Ralph Milbanke, n’est pas de très pur lignage – un de ses arrière-arrière-arrière-arrière-grands-pères était marchand. Mais il est ouvert, tolérant, aimable et, même, aimant. Ce  n’est pas non plus le couteau le plus pointu du panier, mais il sait gagner les coeurs. 

La mère, Annabella Milbanke

Lord et Lady Milbanke élèvent leur unique fille dans un étroit corset de religion, mais ne lui refusent rien des joies de l’esprit. Et de l’esprit, elle en a. Elle en montre même tant, et si jeune, que ses parents embauchent un ancien professeur de Cambridge, William Frend. Celui-ci applique exactement le programme universitaire : littérature, philosophie et sciences. Annabella complète le reste par des lectures et,  rapidement, « excelle en tout, de la linguistique aux mathématiques », dont elle se délecte particulièrement. Frend applaudit son étude d’Euclide. Elle ingurgite aussi, bien sûr, la partie féminine du programme :  dessin, danse, langues (français, italien, latin, grec), et un peu de musique, qui la barbe. Le reste du temps, elle écrit des vers et se promène seule entre le ciel et la mer du Nord, parmi les groseilliers salés de Seaham Hall.

Seaham hall

Seaham Hall est une grande maison blanche qui étire ses ailes au bord de la mer, sur la côte est de l’Angleterre, beaucoup plus près d’Édimbourg que de Londres. Elle montre un fronton assez prétentieux et un beau parc aéré, rempli de groseilliers qui supportent tant bien que mal les embruns.

Ces salons londoniens où Byron et Annabella se sont rencontrés

Annabella et Byron ont un mépris jumeau pour les salons, leurs hôtes légers et leurs plaisirs vains. La grande question qui se pose, bien sûr, est : mais qu’allaient-ils faire dans cette galère s’ils n’aimaient pas ça ? La réponse est simple : chez les riches, la socialisation endogame n’est pas en option. Se voir, se revoir, mélanger les loisirs, les intérêts, les sangs, les biens et en exclure le reste de l’humanité, est la condition sine qua non pour appartenir à la bonne société. C’est un lobbying à vie. Fréquenter d’autres gens, c’est se commettre, déchoir, devenir un « déclassé ». Alors le monde vous tourne le dos, pour ne plus vous montrer que sa « froide épaule » – cold shoulder, une expression parlante.

Almack’s, le bal incontournable de la saison londonienne

Halnaby Hall, qui a abrité la lune de mélasse de Byron et Annabella

Une fois le contrat signé, il ne reste plus aux deux jeunes gens qu’à échanger les anneaux. Le fiancé se montre « de plus en plus moins pressé », comme le note joliment son BFF, John Cab Hobhouse. Mais cela se fait enfin, le lendemain du Jour de l’an 1815, dans le salon de Seaham Hall. Lui tremble ; elle, bien sûr, se montre impassible – et froide, parions-le. Il la dépucelle sur le sofa, juste avant le dîner. Les voici tous deux partis pour leur lune de miel, vite rebaptisée lune de mélasse.

13 Piccadilly Terrace, lieu de naissance d’Ada

On dit que, juste avant l’accouchement, Byron s’installe dans la chambre au-dessous de celle d’Annabella et fracasse des bouteilles de soda vides contre le plafond, pour l’empêcher de dormir, ou bien qu’il tire à balles réelles sur lesdites bouteilles pendant l’accouchement même, pour couvrir les plaintes. Ou encore qu’il annonce à sa femme, quelques heures après l’accouchement, qu’elle vient de perdre sa mère – fake news ! C’était pour rire, poisson de décembre, lol. Que ce soit l’un, l’autre ou les trois, ça pose l’ambiance. Le 10 décembre 1815, une petite fille naît à Piccadilly Terrace : Augusta Ada Byron. 

Le 13 Piccadilly Terrace est maintenant le 139 Piccadilly

Ada enfant

Je ne sais pas ce que ressent Annabella lorsqu’elle oblige Ada, cinq ans à l’époque, à demeurer allongée sur un banc sans bouger. Comme c’est mission impossible pour un marmot de cet âge, Ada bouge, au moins ses petits doigts. Alors, Annabella les ensache dans des étuis, puis elle enferme la gamine elle-même dans un cabinet noir.

La médecine de l’époque : Godfrey’s Cordial, aussi appelé L’Ami de maman

Le fameux sirop pédiatrique L’Ami de maman prescrit cinq gouttes pour les nourrissons de cinq jours, vingt-cinq gouttes dès cinq ans.

De l’opium dilué dans de l’alcool

Des mathématicien-nes comme s’il en pleuvait : Somerville

Un peu accablée, Mary se plaint : « Je suis bien tracassée que mon goût pour la lecture rencontre une telle opposition. Il n’est pas juste que les femmes aient envie de lire si c’est mal de le faire. » Entre un cours de couture, un de révérence et un de bonnes manières, elle se débrouille pour assister aux leçons de science que reçoit son frère. Elle répond avant celui-ci aux questions que pose le professeur. Ça n’est ni très poli, ni très discret, mais c’est plus malin qu’il n’y paraît : impressionné, ledit professeur décide de donner des cours à Mary. Pas officiellement, bien sûr. Mary grappille aussi un peu de latin par-ci, un peu de perspective par-là, beaucoup de grec et d’algèbre par elle-même..

Des mathématicien-nes comme s’il en pleuvait : Babbage

Comme tous les gosses de l’époque, le petit Charles est malade en permanence. Dans la bibliothèque d’une des écoles qu’il fréquente  épisodiquement, il découvre les mathématiques et dévore bientôt les livres d’algèbre comme des romans. Déjà, c’est un expérimentateur : il met au point une expérience « pour savoir si, oui ou non, le diable peut vraiment être invoqué en chair et en os ». Spoiler : il ne peut pas.

Des mathématicien-nes comme s’il en pleuvait : Morgan

Comme Ada, Morgan est accablé par les maladies infantiles. Il y laisse un oeil, grâce à quoi il échappe à l’armée, à laquelle sa famille le destinait. Sa passion pour les mathématiques le prend à quatorze ans, et son dégoût de la religion lui vient de sa mère, qui le tympanise pour qu’il embrasse une carrière ecclésiastique. Révulsé, il se déclare « anti-déiste », le terme athée étant alors un trop gros mot. Il s’y tiendra mordicus toute sa vie.

Le moteur à différences imaginé par Babbage

Le premier computer (calculateur) imaginé par Babbage est un moteur à différences. Celui-ci tire son nom de la méthode de Newton des différences finies – je n’entrerai pas davantage dans les détails. Retenez seulement que cette machine ne fait, malgré son nom, que des additions.

Le moteur à différences de Babbage au Science Museum de Londres

La rencontre avec Ada

En 1833, Babbage décide que les différences, c’est trop 1820. Il vient d’avoir une idée encore plus géniale : le moteur analytique ! Une machine capable de résoudre n’importe quel calcul. En 1834, Babbage conçoit son analytical engine en cinq parties, lesquelles peuvent vous évoquer quelque chose : une entrée de données (the input) qui lit des cartes perforées (principe aimablement fourni par les métiers à tisser de monsieur Jacquard), une autre entrée qui lit des cartes d’instructions (the control), un moulin qui ordine (« mettre en ordre, arranger ») et qu’on peut aussi appeler unité centrale de calcul (the mill), un magasin qui stocke les résultats intermédiaires et finaux (the store), et une imprimante (the output) – une belle imprimante pour, enfin !, éditer de belles tables de calcul, nettes de toute erreur. Le principe est génial ; la finalité manque de grandeur, de souffle, d’inspiration – de hauteur de vue. C’est alors que, au hasard d’une de ses soirées scientifiques où se croise tout le monde, Babbage est présenté à Annabella – et à une petite jeune fille réservée nommée Ada.

Ada à 17 ans

Ada entre dans le monde

Elle est présentée à la cour et s’y comporte « de manière acceptable », admet Annabella. Elle y croise Wellington et Talleyrand, qu’elle juge simiesque. Sa mère l’emmène ensuite, entre autres mondanités, chez Babbage. Toutes les deux tombent en admiration devant le prototype de moteur à différences. Est-ce le souvenir de sa jeunesse enchantée qui émeut Annabella ? Elle a l’impression d’avoir affaire à une machine pensante, un vertige la prend devant les perspectives offertes à l’esprit humain. Mais Ada, elle, ne se contente pas d’être fascinée : « Tandis que les visiteuses et visiteurs contemplaient fixement le bel instrument » avec une expression vacante, Ada « comprenait son fonctionnement et en admirait la beauté ».

Ada en robe de cour

Ada se marie

William descend lointainement d’un épicier de province, mais aussi d’Henri VIII. Il a du bien (8 000 livres de rente) et un titre. Il sera, de plus, nommé comte Lovelace trois ans plus tard, lors du couronnement de la reine Victoria, sur la recommandation de William Lamb. Voyageur, cultivé, polyglotte, paisible, il est, par surcroît, tombé amoureux de sa future femme.

Ada en 1840, juste avant qu’elle commence à travailler avec Babbage

Ada par Chalon, un portrait qu’elle détestait

Luigi Menabrea

Pendant ce temps, Babbage continue son grand oeuvre : le moteur analytique. En 1840, il est à Turin pour donner des conférences sur le sujet. Un jeune ingénieur (et futur ministre), nommé Luigi Menabrea, est enthousiasmé. Il rédige en français une description du moteur analytique, qui satisfait son inventeur.

Les notes d’Ada

Ada travaille d’arrache-pied sur la note G, oscillant entre exultation et désespoir, jurant mais un peu tard qu’on ne l’y reprendrait plus. Son époux, lui aussi, s’exaspère et l’exaspère. Il en est même réduit à lui servir de secrétaire et à repasser à l’encre la célèbre figure « Table et diagramme » de la note G ; le premier programme jamais écrit.

La fameuse Note G

Andrew Crosse

En novembre 1844, désireuse de mener à bien ses expériences sur l’électricité et les grenouilles, Ada réussit à se faire inviter pour une semaine chez un voisin, Andrew Crosse. Le vieux Crosse est un Babbage-like : un gentleman scientifique aigri et un expérimentateur chevronné. Il accueille Ada dans son sublime cottage rempli de piles voltaïques et de grenouilles : Fyne Court.

La jolie petite folie dans le jardin de Fyne Court

East Horsley

En ces temps lointains, l’homme décide (de se ruiner, le plus souvent), la caravane suit bon gré, mal gré. Dès 1846, William se lance dans le gothique flamboyant. Il se fait bâtir un château Tudor dans le Surrey, à East Horsley, au sud de Londres – assez près d’Epsom.

Ada tombe malade

Au printemps 1852, les douleurs augmentent encore. Ada s’effraye d’y perdre l’esprit, cet esprit dont elle a toujours été si fière, et qui est finalement la seule bouée de sa vie. Et son état empire toujours. Mourant de sommeil, elle ne parvient plus à dormir. À partir d’avril, elle prend du chloroforme. Hélas, son action est brève.

Ada en 1852

 

Annabella Junior, plus connue sous le nom d’Anne Blunt

Annabella Junior aussi se retrouve, à vingt-trois ans, riche et indépendante. Elle ne se presse pas pour choisir un mari. Elle prend son temps et, bien sûr, épouse à trente-deux ans une magnifique catastrophe. Car Wilfrid Scawen Blunt est magnifique, c’est le mieux qu’on en puisse dire.

Anne Blunt et son cheval

Wilfrid, son magnifique époux

Leur fille Judith, une beauté

Babbage sur le tard

Il se laisse aller à rêver, par exemple de passer trois jours en 2370, juste pour admirer toutes les nouvelles inventions, ou de réussir à construire son moteur analytique. Sinon, il peste contre la terre entière,  spécialement contre les gamins qui jouent au cerceau. Wolfram le voit finir comme une caricature à la Dickens – Uncle Scrooge.

Somerville sur le tard

Elle a l’air apaisé de celles qui ont fortement vécu. Ce qui ne l’empêche pas, à quatre-vingt-douze ans, de continuer à travailler quatre à cinq heures par jour sur les plus récentes théories mathématiques.

Morgan sur le tard

L’âge venant, Morgan vire au dodu et se paie une paire de lunettes rondes, mais il garde sa bouche aimable et son humeur avenante, malgré la banqueroute qui le traque et finit par le rattraper.

Les autres personnages de la galerie
Faraday

Cet oiseau rare, autodidacte génial, d’une humilité somervillienne, éprouve « un plaisir quasi pervers en constatant qu’il pouvait faire des découvertes scientifiques, aussi bien sinon mieux, sans aucune formule mathématique ou chimique ». On lui doit des travaux fondamentaux dans le domaine de l’électromagnétisme et de l’électrochimie, d’innombrables lois Faraday, sans oublier l’effet Faraday, la cage de Faraday, la cavité de Faraday et l’unité de capacité électrique farad. En plus, il est beau comme un dieu.

by Thomas Phillips,painting,1841-1842

Seaham hall

Vous pouvez commencer par aller faire un spa à Seaham Hall, la maison d’enfance d’Annabella Senior. Elle étire encore ses longues ailes blanches et un peu prétentieuses au bord de la mer du Nord. Tout a été rénové dans le goût moderne – il devrait y avoir une loi contre les papiers peints comme ça.

Fyne Court

Quoiqu’amputé de sa principale bâtisse, le ravissant domaine est toujours là avec sa folie à mâchicoulis, son petit coffee shop surmonté d’un belvédère et son vaste jardin rempli de daims. On peut y imaginer Ada prenant le thé avec John Crosse, au cours de ce qui a peut-être été la plus belle semaine de sa vie, discourant tout au long de la nuit sur la nature de l’espace et du temps.

East Horsley

Une autre étape de votre voyage pourra être East Horsley. Le château de William n’a pas perdu un seul écusson de brique. Rebaptisé Hôtel De Vere, on peut s’y marier somptueusement et répandre ses invité-es dans les immenses salles qui désespéraient Ada, et le long desquelles elle courait en grelottant après l’un ou l’autre de ses trois enfants.

Newstead

Newstead n’a, fort heureusement, pas du tout été refait à neuf. Il est resté tel qu’il était quand Ada l’a visité lors de son dernier été de bonne santé.

La tombe d’Ada

La tombe d’Ada est dans l’église de St. Mary Magdalene, à Hucknall, quatre miles plus loin, au sud de la forêt de Sherwood. Sur son énorme cercueil ferré, allongé juste à côté de celui de son père, repose toujours la couronne comtale à huit branches que William y a placée.

 

Aiken

En 1937, un physicien américain nommé Howard Aiken, un très beau gosse bardé de diplômes, va faire un tour dans ce grenier. Il y trouve un des modèles de démonstration de Henry. Fasciné, Aiken le fait installer dans son bureau. Il expliquera en 1973 qu’il a carrément fait monter ces pièces dans son calculateur. Car Aiken a persuadé IBM de fabriquer un calculateur électro-mécanique : Mark I.

Grace Hopper

Ce n’est pas le tout de fabriquer une machine programmable, encore faut-il la programmer. C’est là que les femmes, suivant les traces d’Ada, entrent en scène. Mark I est programmé par une femme nommée Grace Hopper. « Elle développa aussi, tout en programmant le Mark I, le concept d’un compilateur », sachant que votre PC est un compilateur.

Les programmatrices de l’Eniac

Quant à l’Eniac, un des concurrents du Mark I, il est programmé par six mathématiciennes : Jean Jennings, Marlyn Wescoff, Ruth Lichterman, Betty Snyder, Frances Bilas et Kay McNulty.

Comment les femmes ont été écartées de l’informatique

L’article de Chantal Morley.

L’hagiographie de Wolfram

est lisible ici.

Appendice : L’extinction de la constellation Byron
Mary Duff

À neuf ans, Byron enfant tombe très amoureux de Mary Duff, une petite fille de son âge. Rien d’étonnant à cela : d’après James Imlach, un camarade, elle est  ensorcelante. Elle épouse à seize ans Robert Cockburn, un gentleman d’Édimbourg qui est aussi marchand de vin à ses heures perdues – et qui a une face longue comme un pain de sucre. En l’apprenant, Byron fait carrément un malaise.

 

Mary Chaworth

Brunette du même modèle que Mary Duff, mais plus âgée de trois ans, Mary Chaworth est le grand amour d’adolescence de Byron. Il a quinze ans, elle en a dix-huit et attend avec impatience de se marier avec un certain John Musters. Autant dire qu’elle se fiche éperdument de ce « petit lord timide et boiteux ». En apprenant l’opinion qu’elle a de lui, Byron fait un autre malaise.

 
Lady Caroline Lamb

Le monde ne pardonnera pas à Caro tant d’unladylikeness. Exilée à la campagne par sa famille, elle y meurt prématurément en 1828, remplie d’alcool et de laudanum, comme Ada.

Lady Oxford

Elle ne voit, dans un coeur brisé, que « le signe d’une mauvaise digestion ». Byron, réchappant tout juste des griffes de Caro, trouve cette philosophie charmante, puis, à mesure qu’il tombe amoureux, un peu pesante.

Augusta Leigh

Annabella Senior coupe les ponts avec Augusta à la fin des années 1820 pour une histoire de gros sous – et aussi parce que Byron ne risque plus, du fond de sa tombe, de réclamer Ada. Par conséquent, Ada n’aura absolument jamais accès à sa tante.

Un arbre généalogique cocasse

Byron rencontre aussi, pour la première fois, sa demi-soeur Augusta, la fille de son père Mad Jack et de la marquise de Carmarthen [avec laquelle il aura une petite fille nommée Medora]. Augusta est déjà mariée à un certain colonel Leigh, le fils de Frances, soeur et maîtresse de Mad Jack, ce qui finit par former un arbre généalogique cocasse quoiqu’un peu gênant.

La ravissante Marquise de Carmarthen

Medora

Medora, probable grande sœur d’Ada, est violée à quatorze ans par son beau‑frère Henry Trevanion. Elle passe sa courte vie à fuir entre la France et l’Angleterre, boire comme un tas de sable (« elle boit bien la bouteille », en français dans le texte), dire des horreurs à sa mère et au sujet de sa mère Augusta (qu’elle décrit comme « hyena like » à une Annabella Senior jubilante) et taper toute sa famille, dont Annabella Senior.

Claire Clairmont

Ce qui frappe tout d’abord chez Claire Clairmont, mère d’Allegra, une autre demi‑sœur d’Ada, c’est combien son portrait ressemble à celui de Catherine Gordon de Gight, la mère de Byron. Ce n’est pas de bon augure.

Allegra

La petite sœur d’Ada, confiée à Byron par Claire Clairmont alors qu’elle a quinze mois, vit d’abord avec son père. Mais celui‑ci ne montre aucun goût pour la pédagogie.

Teresa Guiccioli

« Teresa sera mon dernier attachement », dit Byron. Elle en fait son sigisbée – une pratique admise alors, qui consiste pour une femme à se faire suivre par l’homme de son choix. Celui‑ci a pour vocation de porter l’éventail de la dame, plier son châle et pourvoir à ses orgasmes. Teresa, en retour, s’occupe avec affection d’Allegra, qui l’appelle Mamina. 

Hobhouse

Le BFF de Byron, qui l’a d’abord suivi dans ses tribulations en Orient, se range ensuite comme un meuble. Entré en politique à l’extrême gauche, il tourne ventre mou avant d’échouer à droite. Proche de la reine Victoria et de William Lamb, invité épisodique dans le cercle social d’Ada, ministre un temps, il est fait baron Broughton of Broughton de Gyfford en 1851.

Scrope Davies

Ce dandy fringant, « homme d’intelligence et d’esprit », grand séducteur, grand buveur et, surtout, grand joueur, est le BFF n° 2 de Lord Byron durant ses années anglaises. Issu d’un milieu provincial au milieu de dix frères et sœurs, il se débrouille pour accéder au monde. Il entretient ses amis lords grâce à ses gains aux dés, qu’il range dans un pot de chambre.

La tombe de Scrope au cimetière Montmartre

Lady Jersey

Maurois la décrit comme « une de ces femmes dont le succès mondain est tel qu’il assure leur vertu par manque de loisirs. Elle donnait de la vie à toute société où elle se trouvait. Charmante avec ses cheveux noir de corbeau, son teint de crème et ses perles de corail, elle n’avait d’autre défaut qu’une volubilité devenue célèbre. Son ami Granville l’avait surnommée Silence, et se demandait comment elle pouvait faire pour être, à tout moment, à la fois dans sa maison et dans celle de tous les autres ».

Lady Melbourne

La BFF n° 3 de Byron est une madame de Merteuil britannique. Née dans les années 1750, elle a l’esprit affûté et de l’influence. Elle met au monde – sans trop requérir l’aide de son époux – huit enfants qui en auront plus encore.

Les Shelley

Leur vie est un roman d’épouvante bien pire que Frankenstein. Mary Godwin, fille de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft, est une adolescente qui ne s’embarrasse pas de préjugés. À dix‑sept ans, elle rencontre Percy Shelley, un bel ange à voix de fourchette, ami de Byron. Il est athée, végétarien et, comme Mary, adepte de l’amour libre : à eux deux, ils ont cent  cinquante ans d’avance sur leur temps. Ils ont aussi du génie, mais ni l’un ni l’autre ne le savent encore.

Polidori

John Polidori est un beau jeune homme italien qui a étudié la médecine en Écosse. C’est en qualité de médecin qu’il suit Byron dans son périple européen. Il est présent à la villa Diodati lors de l’été pourri de 1816. Brodant sur un canevas établi par Byron, il écrit The Vampyre, un affreux petit texte qui inspirera le Dracula de Bram Stoker – entre quelques autres. En 1821, ruiné au jeu, il avale du cyanure. Il avait vingt‑cinq ans et, pas plus qu’Ada, la moindre conscience d’avoir été un précurseur de notre modernité.

 

Merci de m’avoir suivie jusque là…