[d’affreux petits secrets] Tickets restaurants
(un triste soir)
Philippe J. : Je suis allé au salon Miniver, du temps où je travaillais dans le blindage. Miniver, le salon des armes. Là-bas, on vend de tout, et surtout des mines antipersonnelles. Notamment celles qui sont conçues pour être jetées d’un avion. Elles tombent par terre en attendant que quelqu’un les ramasse. Boum ! Faible charge : un blessé est toujours un plus grand poids pour une communauté qu’un cadavre. Il coûte plus cher et mine davantage le moral. Et le plus démoralisant des blessés, c’est l’enfant. Un enfant mort, on l’enterre, alors qu’un enfant sans mains ou sans pieds, c’est un reproche permanent. C’est pour ça que certaines de ces mines sont designées pour ressembler à des jouets. Pour que les enfants les ramassent. Elles ont des coques en plastique arrondies, avec des couleurs sympas.
[auditeur effaré] Tu veux dire qu’il y a un gus qui est payé pour dessiner des coques de mines en forme de joujoux ?
– Payé, et bien payé. Et il rentre chez lui le soir pour voir ses enfants, et il montre ses photos de vacances à ses collègues, et il touche des tickets resto, comme tout le monde.