La première version est parue sous une couverture de Jackie Paternoster.
Peu à peu, le charme triste de ces îles perdues semble faire son effet sur eux. Ils piaffent un peu moins d’impatience de se trouver si éloignés des rouages du pouvoir et leurs craintes précises laissent place à une angoisse plus diffuse, celle que distillent le ciel souvent bas et les grands vents qui viennent du large. Ils se remémorent les contes qu’ils ont entendus la veille, celui de la vahiné qui ramasse la tête coupée d’un dieu et dont les descendants sont condamnés à presser leurs lèvres sur la bouche sèche des Noix de Coco, ou de ce vampire blanc qui attire les hommes au large de papenoo, ou encore de ce père qui donne sa chair à manger à ses propres enfants, sans oublier les racontars beaucoup moins légendaires au sujet des heva tupapau, les phalanges d’hommes qui suivaient les enterrements traditionnels avec mission de tuer à coups de bâton tous ceux qu’ils croisaient. À la lumière assez obscure de ces récits, le voile primesautier d’une polynésie toute de chants et de femmes à poil fait long feu. Du moins, le peu qui pouvait en subsister dans l’esprit de deux jeunes gens accueillis par trois meurtres sur un lit de sorbet aux Poires.