Mère et fille
Etrangement, ce sont les rapports entre l’héroïne et sa mère qui m’ont valu le plus de réactions de lecteurs. J’ai tout entendu, depuis « Quelle fille horrible ! » à « Quelle mère indigne ! » en passant par « On sent l’autobiographie ! ». Il y avait, dans ces tirades, un ton de confidence triste derrière lequel transparaissaient des enfances sans joie. Je tiens cependant à préciser que ma mère n’est pas une prostituée, que je n’ai aucune intention de l’assassiner, que nos rapports sont satisfaisants, et que je n’ai été orpheline de père que fort tard. Les relations mère-fille du « Goût de l’immortalité » sont purement fictionnelles, même si j’ai tâché d’y mettre d’éternelles vérités, que ce soit la lourde charge d’espoir dont on a toujours tendance à accabler sa descendance, ou le fait qu’élever un enfant revient à le contraindre parfois et donc à s’en faire, jusqu’à un certain point, un ennemi. Comme le dit Isabel Allende, « toute enfance est tragique » ; la maternité n’est pas reposante non plus.
Cmatic
Ce prénom bizarre ne m’a causé aucune peine : j’ai simplement lu de travers la marque du bloc-notes sur lequel j’écrivais (car ce livre a été entièrement rédigé au fond d’un bar à la plume et sur papier. Un texte censé venir d’une vieille dame et destiné à être lu lentement doit être écrit à la plume. Le bar n’est qu’un épiphénomène.). Rien ne m’agace davantage, quand j’écris, que de voir mon inspiration suspendue par la recherche d’un nom. C’est ainsi que mes personnages ont tendance à s’appeler Marlboro, Kilkenny ou Eteindre-en-sortant, quoique sous une forme sévèrement abrégée. En conséquence, je dois souvent remplacer les noms de mes protagonistes avant d’envoyer le tapuscrit à un éditeur ; ce que je fais à la toute dernière minute. Ainsi, dans « Le goût de l’immortalité » original, Cheng s’appelle Ki. Le hasard n’était pas mauvais : qi signifie le souffle. Mais c’eut été plomber le couple qu’elle forme avec Shi d’un mauvais jeu de mot. J’ai donc lancé un recherche / remplace juste avant l’ultime impression. Ce qui fait de moi probablement le seul écrivain à ne pas connaitre ses personnages, et quand un Lecteur attentionné m’a demandé :
– Mais de qui Cheng est-elle vraiment amoureuse ?
je me suis vue obligée de lui répondre :
– Qui ?
Vous imaginez le dialogue qui s’est ensuivi :
– Cheng !
– Ah, Ki.
Quant à mon héroïne, elle n’est pas nommée. Son nom apparaitra au volume suivant, dans la joie et le déshonneur.